Le temps, c'est du Carbone !

Le temps, c'est du Carbone !

Par Bérenger COLLOTTE|04 janvier 2022|Réflexion personnelle| 12 min

Vous avez certainement déjà entendu cette célèbre citation quelque part : “le temps, c’est de l’argent”. Comme si cette phrase était ancrée profondément dans notre mode de fonctionnement depuis toujours.

A l’échelle de l’humanité, ce dicton n’est en réalité pas si vieux. Il date en effet de 1748 et c’est Benjamin Franklin, père fondateur des Etats Unis, qui a inauguré son utilisation. Cet adage qui semble être devenu une véritable règle de vie, est néanmoins lourd de sens mais surtout de conséquences, et pour cause, à l’époque, cette phrase à contribué à créer un lien fondamental entre le temps et l’argent, qui étaient auparavant deux notions parfaitement substituables.

Le temps ne s’est pas arrêté là pour autant, la vie a continué, et au alentours des années 1800, l’homme s’est soudainement mis à extraire massivement et à décupler de façon exponentielle l’exploitation d’une ressource particulièrement efficace, à savoir, le pétrole. Son compagnon de route, ou plutôt, son fardier, j’ai nommé, le capitalisme, ne tarda pas à déployer ses ailes pour transporter aux quatres coins du monde ce véritable or noir qui, même si il a permis de freiner la chasse à la baleine, s’avère être finalement devenu un des principaux problèmes de l’humanité en ce début de XXIème siècle.

Carte du monde.

Quel lien établir donc avec le temps, l’argent et finalement le carbone ?

Je sens que vous me voyez venir avec mes grands sabots, mais c’est peut être un peu plus subtil que vous ne pouvez le penser, et on va s’y attaquer tout de suite après ces quelques mots d’histoire pour introduire ce sujet qui est LE sujet qui nous tient tous en respect, qui que nous soyons. Comment notre temps de vie disponible est-il comblé ?

I. Notre dépendance énergétique est notre plus gros fardeau

Pour comprendre d'où vient le problème, il est nécessaire de savoir que notre dépendance énergétique extérieure (donc l’énergie que nous ne fournissons pas directement avec nos muscles) est absolument colossale.

Si vous souhaitez disposer de données chiffrées, je vous renvoie à un de mes précédents articles (chapitre 2.1) qui compare l’énergie produite par un être humain par rapport à l’énergie dégagée lors de la combustion du pétrole (ainsi que le coût financier associé de l’opération).

Nous avons en effet développé un ensemble de technologies et de techniques qui nous permettent de démultiplier notre force, grâce à des machines nourries aux énergies fossiles, à des ratios complètement absurdes.

Si vous voulez vous en rendre compte, essayez simplement de pousser une voiture d’une tonne sur 20km (sur sol plat, soyons raisonnables), cela représente peut-être l’équivalent d’un petit litre de pétrole ? Et il est fort à parier que vous y passerez un sacré paquet de temps et que serez certainement totalement lessivés si vous parvenez au bout de cet exercice.

Si nous utilisons ces énergies, c’est donc d’une part pour gagner du temps et également pour soulager nos efforts physiques, pour accroître notre confort de vie, mais cette action, à l’échelle de l’humanité au XXIème siècle, comporte de multiples effets pervers.

II. L’énergie, faux ami de l’ingénierie

Avant d’aller plus loin, il est particulièrement intéressant de s’arrêter 2 minutes sur la différence que l’on peut voir entre énergie et ingénierie.

Si nous “dépassons les bornes” aujourd’hui, c’est sans doute parce que nous avons particulièrement mal associé énergie et ingénierie, et que l’humanité s’est sentie pousser des ailes, pour aller toujours plus loin, toujours plus vite, avec de moins en moins d’effort, de plus en plus de services, de facilité, et en finalité, avec de plus en plus de temps libre !

Le temps libre…

Cette étincelle scintillante et brûlante à l’origine de cette question qui prend toujours de plus en plus de place à la surface de nos ambitions : comment rendre l’expérience de la vie sur terre en tant qu’être humain la plus palpitante possible ?

L’ingénierie est pourtant quelque chose de véritablement formidable tant que nous restons dans les limites de la capacité de charge de la planète. Pour soulager un effort, rien de tel qu’une bonne poulie par exemple. Pour se déplacer plus vite qu'à pied, rien de tel qu’un bon vélo ! Oui, mais vous le savez, l’histoire ne s’arrête pas là malheureusement.

Nous y avons pris goût, et nous avons mis l’énergie au service de l’ingénierie pour notre plus grand bonheur, qui s’avère devenir notre plus grand malheur. Une mobylette c’est mieux qu’un vélo, une voiture, c’est mieux qu’une mobylette, une motocyclette c’est plus rapide qu’une mobylette, etc.. etc… La liste est sans fin et nous avons tout simplement fini par dépasser cette ligne de raison que nous n’aurions jamais dû franchir.

Aussi, dans un monde résolument tourné vers la consommation, si la technologie (et l’ingénierie au sens large) nous donne l’illusion d’être parfaitement comblés, c’est tout simplement parce que nous avons en premier lieu utilisé l’énergie sous-jacente qui la nourrit. Cette énergie que nous avons puisée, pour la grande majorité, dans les entrailles de la terre et qui comble aujourd’hui le ciel de néfastes gaz à effet de serre.

Walking.

L’instant de poésie féérique est terminé. Il nous faut remettre les pieds sur le plancher des vaches et trouver des solutions à ce problème complexe qui ne va pas se solutionner de lui-même.

III. Un temps bien occupé vaut mieux que trop de temps libre

De mon point de vue, une des clés fondamentales pour contribuer à solutionner ce problème, au delà de nos activités professionnelles plus ou moins polluantes, * réside dans l'utilisation de notre temps libre.
Le temps libre est absolument nécessaire à l’être humain, mais il faut que nous soyons en mesure de l’utiliser à bon escient. Un des meilleurs moyens de le faire, c’est tout simplement de s’ennuyer intensément, cela développe la créativité et fait très certainement grandir l'esprit.

Le drame de notre ère c’est que nous sommes en permanence tourné vers quelque chose qui doit absolument occuper notre esprit et que le corps humain et en particulier notre cerveau n’a quasiment aucun temps de repos dans cette course à l’occupation du temps.

Cette course à un effet plus que pervers, elle nous invite à consommer. De la donnée et du numérique, des trajets en voiture, en avion, des biens de consommations, et j’en passe.

Il est cependant possible de “ralentir” la cadence et de travailler sur la manière dont nous occupons notre temps libre car si hier, aller plus vite, plus loin, pouvait poser moins de problèmes, c’est devenu aujourd’hui la véritable bête noire de l’humanité.

Je vous propose pour agrémenter cet article, un exemple tiré d’une expérience de vie qui permet d'illustrer la manière dont nous pouvons contribuer à “ralentir” la cadence.

IV. La tronçonneuse, une machine de rêve !

Vous la connaissez, elle sert tantôt à découper des arbres, tantôt à vous protéger d’une invasion de zombies, bref, c’est une machine infernale mais pourtant diablement utile !

Pourquoi ?

Elle consomme vraiment très peu d’énergie et vous fait gagner un temps absolument colossal !

Tronçonneuse.

A titre d’exemple, pour découper 6 stères (6 m3) de bois de chauffage, il vous faudra au bas mot 1 journée de 6h de découpe, et encore, c’est grand maximum sachant que je l’ai réalisé mais que je devais charrier le bois sur 50 mètres à la brouette, donc le temps passé peut être légèrement différent, mais ça vous donne un ordre de grandeur. Ce qui est sûr c’est que ça va très vite.
Côté consommation, c’est environ 2,5 litres de mélange et 1 litre d’huile de chaîne.

Si vous prenez maintenant une bonne vieille scie égoïne, je vous mets au défi de débiter votre bois de chauffage plus vite qu’1 stère par jour s'il vous reste encore quelques muscles vivants à la fin de votre 4ème journée.

Scie égoïne.

Approximativement, je dirais que le rapport au temps passé est d’environ 1 / 6 sur des petites sections et peut être 1 / 12 ou 1 / 24, voir plus, quand vous vous attaquez à tronçonner une grosse section au passe-partout par exemple (il s’agit d’une vieille scie maniée par 2 bûcherons).

Scie passe-partout.

V. Résultat des courses !

Dans cet exemple, si je prends l’hypothèse que le bois m'appartient et que ces travaux sont réalisés pendant le week end, j'ai gagné approximativement 5 jours (6 - 1) de temps disponible (disons 5 samedis) pour faire autre chose et c’est là que l’effet est très pervers :
- je perds 5 jours d’activité physique, ça c’est mauvais pour ma santé, tout le monde le sait ;
- je perds 5 jours d’introspection, car quand on scie à la main, on a le temps de penser à une foule de choses, quelque part, même si on est occupé, c’est tellement long et répétitif, qu’on s’ennuie un peu ;
- même si ce n’est pas énorme, j’ai consommé 2,5 litres de pétrole et 1 litre d’huile de chaîne et j’ai également raccourci la durée de vie de ma machine (car je l’ai utilisée) pour un activité qui peut tout à fait être réalisée sans l'aide de cette machine.

Et certainement le plus important :
- J’ai 5 samedis de plus de disponible pour faire autre chose, voir des amis, me déplacer, lire (ça c'est bien par contre, mais ça résout pas mon problème de santé !), consommer du numérique, consommer d’autres choses car mon esprit va être en demande pour occuper mon temps qui devient libre de fait. C'est la double sanction pour la planète.

Petit bonus, je peux le faire en compagnie de mon fils (qui lui, du haut de ses 3 ans et demi, avec sa scie miniature et inoffensive, ne va pas m'aider des masses pour l'instant on est d'accord !) pour lui transmettre quelques valeurs importante de la vie.

Bien sûr je peux également utiliser ce temps libre pour mener d'autres chantiers comme le potager par exemple, mais il faudrait également que j'adopte la même démarche, c'est à dire, prendre le temps.
Il s'agit bien ici de mettre en reflet le fait que chaque action, effectuée à la force humaine, prends beaucoup plus de temps qu'en utilisant une source d'énergie mécanisée.

VI. Et l’argent dans tout ça ?

Nous y arrivons.

Effectivement, dans l’hypothèse ou je réalise ce chantier durant mon temps de travail, est-ce que ça vaut bien le coup de remplacer 5 jours de travail par 5 jours de scie pour économiser les services d’un bûcheron qui va le faire à ma place et qui aura lui, un véritable arsenal de machines à son service.

Je prends l’hypothèse ou je travaille et que mon salaire est au SMIC (soit 56,97€ net par jour en 2022) et que le prix du stère de bois scié, fendu et débité est au prix moyen de 60€ TTC (livré).

La question est la suivante : est-ce que financièrement, il est encore intéressant de prendre le temps de faire les choses en prenant le temps aujourd’hui ? (Désolé pour la phrase un peu barbare, mais c'est précisément ce que je veux exprimer !)

Dans la majorité des cas, même s'il est difficile d’avoir un avis parfaitement tranché sur le sujet, tant les exemples sont nombreux, je dirais non, tout simplement. Car tout est mécanisé, tout est “machinisé” pour ainsi dire, tout est abreuvé d’énergie pour nous faire gagner de l’argent, du temps, du confort et encore une fois valider le célèbre proverbe de Benjamin Franklin : le temps c'est de l'argent !

Si je fais le calcul sur mon exemple, sans tronçonneuse, cela nous donne :
- 6 jours à 56,97 € = 341,82 € ;
- 6 stères à 60 € = 360 €.
Au SMIC, j’aurais donc gagné une petite vingtaine d’euros, oui mais si je rajoute le temps passé à découper, à fendre le bois, à le charrier et à l’empiler, c’est perdu, je perds clairement de l'argent.

Si je fais maintenant le calcul, avec tronçonneuse, cela nous donne :
- 1 jour à 56,97 € = 56,97 € ;
- 6 stères à 60 € = 360 €.
Au SMIC (toujours), j’ai gagné près de 300 € sur cette partie de l’opération, si je rajoute 4 ou 5 journées pour la découpe, pour fendre et pour empiler, j’arrive quasi certainement à un bilan positif même si au final, je n'aurais pas gagné grand chose quand même, je couvre mon investissement en temps et j'aurais fait un peu d'exercice.

Vous l'aurez vite compris, si votre salaire est au dessus du SMIC, vous constatez immédiatement que l’opération devient très vite non profitable pour votre banquier. Vous serez donc très vite tenté d’utiliser une quelconque source d’énergie qui vous fera gagner du temps, de l’argent mais qui en contrepartie vous récompensera d’une injection de CO2eq supplémentaire.

Bien sûr, si nous en sommes rendu à ce mode de pensée, c'est parce que nous sommes complètement entravés dans le fait de devoir travailler intensément et de plus en plus intensément car le coût de la vie ne s'arrête pas de grimper et que faire des actions écologiques, étant donné qu'elles prennent (beaucoup) de temps, ne sont vraiment pas profitables pour votre portefeuille et dans un monde impérialisé par le pouvoir d'achat, cela vous complique nécessairement la vie.

VII. Le temps c’est du carbone

J’espère que vous aurez pu le constater grâce à cet article, dans les pays fortement industrialisés, nous avons franchi un seuil de niveau de vie et de complexité qui fait que chaque action que nous pouvons faire et qui serait financièrement intéressante pour nous, constitue une dépense d’énergie plus ou moins importante et contribue à faire augmenter les besoins énergétiques de l’humanité de manière croissante, ce qui ne nous aidera pas à sortir des énergies fossiles et à revenir dans le monde du 100% renouvelable dont nous avons besoin.

Je vous invite donc simplement à considérer le temps de disponibilité que vous avez, et d'en faire bon usage, sainement et en contribuant positivement à réduire notre impact commun.
Si c'est un investissement non rentable financièrement, c'est certainement que vous contribuerez de manière directe à réduire nos émissions de GES.
Et si vous ne pouvez pas vous permettre d'investir une partie de votre épargne directement au service de la transition écologique, en prenant le temps de faire des choses simples, sans l'aide de machines, vous contribuerez indirectement mais surement à améliorer les choses.

Si je dois conclure en une phrase, qui résume toutes mes convictions en ce début d'année 2022 :

Peu importe le temps qu’il m’en coûtera, cette année, mon bois sera découpé à la scie à main !

A très bientôt et surtout, prenez le temps. Chaque individu porte cette responsabilité vis-à-vis d'autrui (c'est en définitive l'histoire de la liberté qui s'arrête là ou commence celle des autres, car la planète nous octroie gracieusement un droit de vivre commun), et seul vous même pouvez décider comment utiliser votre temps libre de la meilleure manière possible !

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